La propriété
La principale des maisons nobles de Nivillac était celle de Lourmois, dont il subsiste encore des vestiges importants. Lourmois, que l’on écrivait aussi « L’Ormaye » ou « L’Ourmoie », a sans doute tiré son nom des ormes vénérables (que l’on nomme « ourmeaux » en patois) qui ornaient l’allée conduisant au manoir.
Il n’est pas possible de préciser la date de l’érection de ce château féodal. Le premier propriétaire connu est messire Tristan de La Lande, qui l’habitait en 1400. Un aveu de 1632 (déclaration que doit fournir le vassal à son suzerain lorsqu’il entre en possession d’un fief) en attribue la propriété aux AVRIL, dont le premier chef de famille connu, Pierre AVRIL fut anobli, en 1423 par le duc de Bretagne Jean V. La propriété comportait, selon l’aveu, « manoir, terres et seigneurie de Lourmois, avec douves, fossés, pont-levis, maisons, tours, pavillons, chapelle, écurie, communs, basse-cour, portail monumental et colombier couvrant une superficie de trois journaux » !
Ses hommes célèbres
Jehan AVRIL
Qui était Jehan AVRIL qui a eu son heure de notoriété à l’époque de la Renaissance, de la Réforme et des guerres de religion ?
Au moment où Jehan AVRIL devient propriétaire de LOURMOIS, il a succédé à son père comme trésorier des états de Bretagne. Il siège, depuis 1547, à la Chambre des comptes et est receveur de l’évêché de Cornouaille. C’est donc un personnage très important. Par conviction ou diplomatie, il a, comme son suzerain François de COLIGNY d’ANDELOT, embrassé la religion protestante dont il devient un ardent propagandiste, recevant à LOURMOIS les fidèles de la religion réformée. Le premier baptême protestant aura lieu dans la chapelle de son domaine, le jour de Pâques, le 10 avril 1558.
La conversion d’ Henri IV au catholicisme en 1592, et la proclamation de l’Edit de Nantes en 1598 sonnèrent la fin de l’église réformée de la baronnie. Et les AVRIL disparurent.
Germain-Jude de TALHOUET-BONAMOUR
François de Talhouet-Bonamour devient propriétaire du château de Lourmois en 1592. Et c’est en 1664 que Germain-Jude de Talhouet-Bonamour, se rend acquéreur de la seigneurie.
En 1718, compte tenu du mécontentement de la noblesse rurale qui a mal supporté le traité de 1532 par lequel François Ier mettait un terme à l’indépendance bretonne, il propose un « Acte d’union » qui recueille plus de six cents signatures. Des contacts furent pris avec l’Espagne, dont le roi Philippe V était le petit-fils de Louis XIV. C’était une véritable conspiration et presque une trahison, car la France était alors en guerre avec l’Espagne.
Ce fut la conspiration de Pont-Callec, le chef de la conjuration étant Clément de Guer, marquis de Pont-Callec. Celui-ci, ancien capitaine de dragons, se livrait à la contrebande de tabac en compagnie, notamment, d’un certain Mont-Louis et de Talhouet-Lemoyne, cousin du seigneur de Lourmois. Rapidement des troubles éclatèrent en presqu’île guérandaise, à Blain et à La Roche-Bernard, où Germain-Jude de Talhouet rassemblait les conjurés. Ceux-ci devaient marcher sur Rennes, pour enlever le maréchal de Montesquiou, commandant en chef, représentant du pouvoir royal. Mais la marche n’eut pas lieu et les pourparlers avec l’Espagne furent rompus. La révolte n’avait même pas connu un commencement d’exécution.
Pont-Callec fut arrêté le 30 décembre 1719, puis ce fut le tour de Mont-Louis, et enfin celui de Talhouet-Lemoyne. Ils comparurent le 26 mars 1720 devant la Chambre royale siégeant à huis clos à Nantes et, sans défenseurs, furent condamnés à avoir la tête tranchée. Ce qui fut fait le soir-même, place du Bouffay. Seize des absents furent condamnés à mort par contumace.
Germain-Jude de Talhouet-Bonamour, également condamné à mort, s’était enfui en Espagne dès le 2 novembre 1719. Il mit son épée au service de l’Espagne et devint même général d’armée.
Les foudres du Régent, Philippe d’Orléans, s’abattirent sur la vieille demeure de Lourmois. Elle fut démantelée, ses douves comblées, ses armoiries détruites, son pont-levis supprimé, et même ses immenses arbres sectionnés à 9 pieds de haut. C’est à ce prix que les descendants de Germain-Jude de Talhouet purent conserver, jusqu’en 1830, la propriété du domaine de Lourmois. Il passa ensuite aux mains du comte Armand, grand-père de Anne-Aymone de Brantes, l’épouse du président Valéry Giscard d’Estaing… Et c’est ici que l’on retrouve la descendance de ce petit tisserand, Pierre Cuillier, qui fut, sous le nom de Perron, généralissime de l’armée indienne du Grand Mogol, enterré dans le Loir-et-Cher en 1834….
Aujourd’hui, les dépendances du castel sont encore debout, propriété des successeurs du comte Armand. Et si Lourmois n’est plus qu’une grosse propriété agricole, la vieille demeure garde néanmoins une noble et discrète grandeur.
(Renseignements extraits d’un article de M. Marcel GRAYO paru dans la revue d’histoire locale « Le Ruicard » n°47 du 2ème trimestre 1987).